L’IA doit-elle définitivement intégrer notre système scolaire ?
Aujourd’hui, l’intelligence artificielle (IA) s’immisce dans toutes les sphères de la vie, et les études ne font pas exception. Selon un récent sondage réalisé en 2024-2025 par la CIIP, plus de 60 % des étudiants ont déjà utilisé une IA pour compléter leurs travaux ou recherches, parfois de manière autonome, parfois en complément de leurs réflexions personnelles. Cette omniprésence soulève des questions fondamentales : comment les écoles doivent-elles adapter leurs pratiques pour que l’IA serve réellement l’apprentissage, plutôt que de fragiliser la compréhension et la mémorisation ?
Enjeux et problèmes
Le cœur des études reste le contenu et le développement cognitif de l’élève. L’IA est un outil externe : toutes les informations qu’on y introduit peuvent être utilisées à bon ou mauvais escient. M. Lebrun, Docteur en Sciences et Professeur émérite en technologies de l’éducation à l’UCL Louvain, a conclu, lors d’une récente expérience les disparités intellectuelles en comparant trois groupes d’élèves : ceux travaillant uniquement avec leur cerveau, ceux utilisant un mix d’IA et de réflexion personnelle, et ceux se fiant entièrement à l’IA. Résultat : seuls les élèves ayant mobilisé leur propre raisonnement ont retenu à la fois les démarches et les résultats ; le groupe mixte a mémorisé partiellement les démarches, et le groupe « IA brut » n’a conservé que des bribes. L’utilisation d’outils comme ChatGPT repose sur des algorithmes probabilistes : poser trois fois la même question peut produire trois réponses différentes. Ainsi, l’IA peut aider, mais le contrôle et la réflexion restent essentiels. Comme le souligne Ueli Anken, directeur suppléant d’EDUCA : « On fait soit du bon, soit du mauvais vin avec du bon raisin mais l’on ne fait jamais du bon vin avec du mauvais raisin. »
L’idée étant que le contenu de qualité et l’accompagnement restent déterminants pour un apprentissage efficace.
Solutions et stratégies
Pour que l’IA devienne un véritable atout, les écoles doivent repenser leurs méthodes de formation des enseignants à accompagner l’usage de l’IA, plutôt que de la sanctionner est essentiel. Il ne faut plus parler du « pourquoi » utiliser l’IA (répondre aux attentes du professeur), mais bien de revoir les fondamentaux avec l’axe du « comment ».
Le « comment » permet l’utilisation des bons éléments fournis par l’Intelligence Artificielle pour développer des compétences différentes de celles traditionnelles. Natalie Sarrasin, Maître d’enseignement et conseillère pédagogique HEG Valais, constate que dans les HEG, les étudiants utilisent souvent l’IA de façon stratégique. Ils savent que le besoin sera là et qu’il faudra faire avec et jamais sans ! Cependant la machine doit rester au service de l’étudiant. Ce dernier doit garder toutes ses facultés cognitives en éveil et maintenir le contrôle sur le raisonnement tout en profitant des outils numériques.
Conclusion
L’IA est désormais un acteur incontournable des études. Interdire ou sanctionner son utilisation est contre-productif : il faut accompagner les étudiants, leur apprendre à intégrer l’IA de manière réfléchie et sécurisée, et préserver le cœur de l’apprentissage, qui reste la maîtrise du contenu et le développement cognitif. Avec une approche pédagogique adaptée, l’IA peut devenir un outil puissant, mais toujours sous le contrôle éclairé de l’apprenant et du formateur.
OSEO :https://www.oseo-suisse.ch/wp-content/uploads/2025_04_22_Prise-de-position_IA_Focus_Jeunes.pdf
CLIIP. https://www.ciip.ch/Documentation/Ressources-pedagogiques/IA
HES SO. https://www.ciip.ch/Documentation/Ressources-pedagogiques/IA
– Nathalie Sarrasin, Usages, observations et intentions pédagogiques avec les outils d’ia
(livre en consultation à l’Institut-domi)
-Nathalie Sarrasin et Hervé Barras, Usages de l’IA par des étudiants et conséquences pour l’enseignement (Livre en consultation à l’Institut-domi)