
L’essor fulgurant des vidéos ultra-courtes
Depuis 2013, le paysage numérique a vu émerger un nouveau format de contenu : les vidéos ultra-courtes. L’application Vine, aujourd’hui disparue, fut la pionnière en imposant des vidéos de six secondes. En 2016, TikTok, développé par la société chinoise ByteDance, a repris le flambeau en y ajoutant des algorithmes puissants de recommandation personnalisée. Meta a suivi avec Instagram Reels (2020) et YouTube Shorts (2021). Ces formats, pensés pour capter l’attention en un éclair, séduisent massivement. Mais à mesure qu’ils deviennent omniprésents dans le quotidien des jeunes, une question s’impose : quels impacts ont-ils réellement sur notre cerveau et notre bien-être ?
La problématique principale est celle d’un usage excessif pouvant entraîner une forme de dépendance et altérer le rapport au réel. En Suisse, l’étude HBSC 2022, coordonnée par Addiction Suisse, révèle que 10% des filles de 15 ans et 4% des garçons présentent un usage problématique des réseaux sociaux, caractérisé par un besoin compulsif de connexion, la négligence d’autres activités ou une sensation de vide en cas de privation. Cette situation est alarmante, d’autant plus que ces comportements s’accompagnent souvent de troubles du sommeil, d’une baisse de concentration et d’une augmentation de l’anxiété. Comme l’explique la psychologue Sabina Vontobel, citée par la RTS : « Les contenus rapides modifient notre manière de traiter l’information, réduisant notre tolérance à l’ennui et à l’effort mental. »
Cette transformation cognitive est souvent décrite par un terme devenu viral : « brainrot », littéralement « putréfaction cérébrale ». Ce concept désigne la dégradation de l’attention et de la capacité à réfléchir en profondeur, causées par une exposition continue à des stimuli rapides et fragmentés. Sur TikTok ou Instagram par exemple, des vidéos absurdes, bruyantes inondent les fils d’actualité. Un rapport de Swissinfo souligne que « les algorithmes de TikTok encouragent la répétition de contenus similaires, piégeant l’utilisateur dans des boucles ». Ce phénomène contribue à la saturation mentale, voire à une forme d’apathie. La Haute École de Zurich (ZHAW) ajoute que cette surconsommation nuit à la mémoire de travail, essentielle pour l’apprentissage.
Face à ces constats, la prévention devient essentielle. Addiction Suisse et la campagne Jeunes et Médias du Conseil fédéral proposent plusieurs recommandations concrètes : instaurer des temps d’écran limités, désactiver les notifications, et surtout, encourager les discussions critiques en famille ou à l’école sur la manière dont ces contenus influencent nos émotions et nos comportements. Il est aussi conseillé de favoriser des moments sans écran, pour permettre au cerveau de se reposer et de renouer avec un mode de vie moins numérisé.
En somme, si les contenus courts peuvent divertir et informer, leur usage intensif n’est pas anodin. Il invite à réfléchir à une question fondamentale : à force de scroller sans fin, que perdons-nous de notre capacité à penser, ressentir et vivre pleinement l’instant ?
Moustique
HBSC 2022 comportement des jeunes en ligne
Article RTS (Radio Télévision Suisse) – 2023
https://www.rts.ch/info/suisse/14005912-10-des-filles-et-4-des-garcons-ont-un-usage-problematique-des-reseaux-sociaux.html
Swissinfo.ch
Jeunes et médias
https://www.jeunesetmedias.ch/platforme/actualite/detail/aktualisierte-auflage-der-broschuere-medienkompetenz-empfehlungen-fuer-den-umgang-mit-digitalen-medien