Interview de Monsieur Raphael Sola, directeur adjoint et responsable pédagogique de l’Institut DOMI par le monde économique

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Monde Economique : L’Institut DOMI a une grande expertise dans la formation à distance. Quelle est la vocation première de cet institut ?

Raphael Sola : L’institut Domi est avant tout une institution spécialisée dans la formation à distance. Dans le cadre des cours que nous dispensons, nous préparons nos apprenants à l’obtention de la maturité fédérale, sur une durée de deux à trois ans. Nous proposons également deux autres formations que sont les préalables ainsi que l’examen d’admission pour la maturité professionnelle. L’examen d’admission post CFC est un examen qui s’adresse aux personnes détentrices d’un CFC et désireuses de préparer une maturité professionnelle. Les préalables quant à eux, sont des examens nécessitant un minimum d’une année de préparation et qui permettent d’accéder directement à diverses universités. A l’origine, l’Institut DOMI avait pour mission de permettre à un public ayant des difficultés d’apprentissage, de pouvoir concrétiser une maturité fédérale dans le cadre d’un enseignement à distance en tenant compte de leur expérience, ainsi que de leur capacité d’assimilation. Si l’aspect expérience et assimilation est toujours mis sur le devant de la scène, nous avons étoffé notre panoplie de services, en mettant en place des cursus d’étude sur mesure pour les futurs sportifs et artistes professionnels, désireux de poursuivre un cursus scolaire parallèlement à leurs activités. La prochaine étape sera de mettre sur pied une maturité professionnelle commerciale qui va se préparer sur une durée de deux à trois ans. Elle permettra à ceux qui le désirent d’intégrer rapidement le marché du travail, dans des secteurs comme la banque, les assurances ou la vente.

Monde Economique : En matière de e-learning il a été constaté que le nombre d’étudiants abandonnant leurs études en cours de route était très important. Pensez-vous que cette façon d’étudier nécessite une préparation psychologique ainsi qu’une organisation personnelle particulière ?

Raphael Sola : Oui, avant toute chose, l’organisation personnelle et le soutien sont la clé de voûte du succès de l’apprentissage à distance. En général, les étudiants qui abandonnent une formation à distance en cours de route appartiennent à deux catégories bien distinctes. D’une part, on a ceux qui ont du mal à évoluer dans un environnement virtuel et qui la plupart du temps ont besoin non seulement d’être motivés mais aussi d’avoir une présence physique à leur côté pour apprendre. D’ autre part, il y a ceux qui arrêtent en chemin pour cause de difficultés diverses que ce soit sur le plan personnel ou psychologique. C’est pour palier à ces doutes de toute nature que nous avons mis en place, en sus de notre plateforme méthodologique, un service de visioconférence, des cours en présentiel à la demande ainsi qu’une plateforme permettant de voir l’avancement de l’élève à travers ses devoirs. Pour certains publics tout ceci n’est pas suffisant. C’est pour cela qu’il est obligatoire de bien se préparer sur le plan psychologique, sachant qu’il s’agit de formations nécessitant une bonne discipline personnelle pour avancer. Nous proposons donc à l’élève d’établir ensemble un planning spécifique à ses besoins suffisamment réaliste pour le suivre. Au sein de l’institut DOMI, les étudiants bénéficient de tous les supports nécessaires pour avoir cette discipline et réussir leur objectif final. C’est ainsi que progressivement, ils apprennent à développer un esprit critique et de synthèse, très important pour faire face à tout type de cursus, ainsi qu’une indépendance certaine. Bien que nous disposions de moyens pédagogiques importants dans ce domaine, il faut encore savoir qu’en e-learning la bibliographie reste restreinte. En ayant plus de références, cela nous permettrait de connaître plus concrètement les besoins et attentes des apprenants. A l’heure actuelle, le pays le plus développé au monde en matière d’enseignement à distance et e-learning est le Canada.

Monde Economique : Dans certains pays européens il a été instauré le congé individuel de formation. Ce dispositif est financé en partie par les employeurs et l’Etat. Selon vous un tel dispositif a-t-il des chances de voir le jour ici en Suisse ?

Raphael Sola : C’est sûr que notre approche de la formation continue ici en Suisse va devoir évoluer dans le futur. Elle va devoir évoluer parce que le marché du travail est en perpétuelle mutation. Les emplois pour la vie n’existent plus. Autrefois, le turn-over, sauf défaillance de l’employeur, était plutôt faible. Aujourd’hui quand on signe un contrat de travail, c’esttrès souvent dans une logique de « divorce programmé » d’avance. Ce phénomène est aussi la conséquence logique de l’apparition des entreprises multinationales. Un dispositif comme le congé individuel de formation, étendu à toute la Suisse a peu de chances de voir le jour. Ceci pour une raison simple, notre pays est un Etat confédéral et les questions relatives à l’éducation et la formation relèvent de la compétence des cantons et non de la confédération. Par ailleurs, chez ceux de nos voisins où un tel dispositif a été mis en place, force est de constater qu’il n’a pas rempli sa mission. En effet, chaque année, dans un pays comme la France, 24 milliards d’euros sont collectés au nom de la formation continue et seul 14% des demandeurs d’emploi en bénéficie, car la formation continue est considérée comme un acquis social. Elle n’est pas considérée comme un investissement susceptible d’aider les entreprises à affronter les aléas de la conjoncture économique. Par ailleurs, nombreux sont les demandeurs d’emploi que l’on inscrit à des formations non adaptées aux besoins du marché du travail. La formation continue devrait avoir trois missions principales, la première, faire évoluer l’employabilité du salarié dans le but de pouvoir la monnayer en permanence sur le marché du travail, la deuxième, optimiser la compétitivité des entreprises et la troisième, réduire les dépenses sociales. En Suisse, il y a profusion d’acteurs impliqués dans la formation continue (Temptraining, Mesures du marché du travail etc..) et une profusion d’organismes financeurs. Selon moi, la première des réformes consisterait à recenser toutes les aides disponibles au niveau des cantons, afin de faciliter la diffusion des informations dans ce domaine.

Monde Economique : En ce moment vous travaillez sur un programme pilote de formation d’étudiants issus du monde carcéral. Le lancement d’un tel projet est-il un retour aux sources ?

Raphael Sola : C’est tout à fait juste, nous avons initié depuis peu un programme pilote au profit des étudiants issus du monde carcéral désireux de préparer une maturité. En ce domaine, notre engagement va au-delà des dispositions de l’article 82 du code pénal. Selon nous, la formation en milieu carcéral est non seulement un droit, mais aussi un outil essentiel pour réduire le taux de récidive. Cependant, une telle mission ne peut être menée à bien que si deux conditions sont réunies pour un détenu. Tout d’abord, le détenu doit être en mesure de financer, partiellement ou totalement sa formation et deuxièmement il doit remplir toutes les conditions nécessaires et suffisantes pour être réinséré dans la vie active. Si on se base sur les dernières statistiques relatives au phénomène de la récidive en Suisse entre 1984 et 2014, il est évident qu’un tel programme s’adresse plus à une population de jeunes délinquants ayant commis un acte punit légalement, mais isolé. En effet, lors de ces travaux, il a été constaté que plus une personne est incarcérée jeune plus grande sera la probabilité qu’elle fasse l’objet d’une deuxième, voire d’une troisième incarcération. L’administration pénitentiaire est très sensible à ce problème, car elle pourrait mettre en place un système de financement d’une telle formation par l’intermédiaire de l’état de manière plus active. Le détenu qui décide de préparer une maturité en prison et qui réussit à mener à bien son projet, apporte la preuve à la société qu’il est capable de se motiver et de se discipliner pour atteindre un objectif. Les avocats suivent de très près ce type de projet, car en cas de réussite la justice peut se montrer plus clémente lors de la sanction. En prison, les détenus n’ont pas accès à internet et ne peuvent pas avoir de contacts directs avec l’extérieur. Par ailleurs, toute leur correspondance est contrôlée par le procureur. Pour communiquer avec le détenu ou lui envoyer les corrections de ses devoirs, les enseignants qui suivent les détenus doivent obligatoirement passer par un responsable socioéducatif ou pédagogique. C’est lui qui reçoit toute la correspondance internet destinée au prisonnier et qui la lui remet. Les enseignants doivent par ailleurs constamment encourager et motiver leurs étudiants à travailler régulièrement. L’échange enseignant-étudiant doit être encore plus constant et fréquent. Le e-learning étant exclu, nous devons prévoir des supports pédagogiques suffisamment clairs et surtout nous devons être disponibles pour du soutien scolaire in-situ, si on nous en fait la demande. Parfois une autorisation de visite peut être délivrée par le procureur pour que le responsable de l’école, ou un professeur, puisse rencontrer le détenu.

Monde Economique : Aujourd’hui on évolue dans une logique de compétition scolaire perpétuelle. La formation à distance n’aurait-elle pas comme but d’établir une zone de confort favorable au processus d’apprentissage ?

Raphael Sola : Aujourd’hui, dans la plupart des cursus d’apprentissages, les programmes sont de plus en plus chargés. Les étudiants doivent arriver à assimiler des programmes de plus en plus lourds en très peu de temps. Cette tendance affecte toutes les formations qu’elle quels soit. L’une des preuves les plus évidentes de l’alourdissement de la charge de travail des élèves, est l’apparition du burn-out en milieu scolaire, un phénomène complètement inconnu il y a encore quelques années. Si nous prenons le cas d’une maturité préparée dans un gymnase ou dans une école privée, cette préparation nécessite une durée de trois années pendant lesquelles les élèves doivent être présents au sein de l’établissement cinq jours sur sept. Pour certains étudiants cela représente une perte de temps et d’énergie énorme. La formation à distance elle, fait tout l’inverse pour le même résultat. En effet, l’élève qui veut préparer sa maturité en deux ans et demi doit y consacrer en moyenne cinq heures par jour. Ce qui signifie que sur une semaine il va devoir consacrer 25 heures à la préparation de sa maturité. La notion de zone de confort se fait sous une condition : il s’agit ‘établir un planning clair et précis qui permette à l’élève d’évoluer à son rythme, en lui offrant la possibilité de choisir les matières auxquelles il va consacrer plus de temps. Le rôle de l’institut DOMI dans une telle approche consiste à indiquer à l’étudiant le chemin idéal conduisant à la réussite, ainsi que les méthodologies à utiliser pour y parvenir. A ajouter encore les phases de validation des connaissances qui se font lors de la correction des exercices envoyés régulièrement par les étudiants. Notre mission relève à la fois du mentorat et du tutorat, puisque nous montrons le chemin, en donnant les moyens pour y aller. L’étudiant doit progressivement s’approprier de ces moyens, afin de devenir de plus en plus autonome. Pour conclure, je dirais que l’Institut DOMI, mise autant sur la réussite de ses étudiants dans les études qu’ils entreprennent, que sur leur plaisir d’apprendre !

http://www.institut-domi.ch/

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